Mes chères lectrices, Mes chers lecteurs,
Tout va vite en ce moment et en même temps pas assez ! Vous voyez le topo.
Ceci étant dit, d’aussi loin que je me souvienne, on a toujours loué ma réactivité, mais au fond, je crois que je suis une lente contrariée. J’ai dû intégrer le fait que d’être réactive était un signe de professionnalisme et tout ce qui a attrait d’ailleurs au même champ lexical. Mais, en fait, il faut que je me rende à l’évidence, depuis petite, je pense que j’essaye de faire rentrer un carré dans un rond.
Depuis que j’ai entamé mon parcours PMA, je me rends compte que j’ai besoin de temps. Du temps pour penser, du temps pour laisser murir les choses, du temps pour reprendre mon souffle, du temps pour laisser filer le temps.
J’ai besoin d’imaginer les choses avant de passer à l’action. J’ai besoin d’arriver à un certain stade de frustration pour donner le meilleur de moi-même.
J’ai à nouveau beaucoup lu ces dix derniers jours. J’ai notamment dévoré “ A nos ivresses “ d’Alicia Dorey, une journaliste spécialisée en vin et en gastronomie.
A plein d’endroit, je me suis dit que même si j’avais l’habitude d’étendre ma zone de confort, je restais toujours parfaitement dans les clous. Je suis une excessive du pas assez, non du trop.
Je n’ai jamais été ivre;
Je n’ai jamais fait 10 000 km pour dire à quelqu’un que je l’aime;
Je n’ai jamais cassé de rage une assiette;
Je n’ai jamais dansé dans la rue ou sur le quai d’une gare alors même que j’en ai eu mille fois envie;
Je n’ai jamais mangé de manière excessive. En revanche, je me suis parfois privée plus que de raison;
Je n’ai jamais osé crier ma colère à cette gynéco qui, il y a 2 ans m’a fait comprendre que j’étais trop vieille pour avoir un enfant;
Je n’ai jamais osé remettre à sa place de manière assurée et véhémente toutes ces personnes qui se permettent de me donner des conseils sur comment mener ma vie. Et oui, pas mariée à 41 ans et toujours sans enfant, ça fait tarte dans les diners mondains et autres cocktails où le temps ne passe pas assez vite !
J’ai lu ce livre comme un guide pour desserrer le frein à main et être encore plus moi. Mais, c’est qui moi ?
Est-ce que c’est cette femme qui sur bien des points assume sa différence, mais reste polie et bien dans le rang ? Ou, c’est une vraie rebelle qui attend enfin de sortir du bois et de s’affranchir de toutes les injonctions et autres normes dont on est tous plus ou moins prisonnier ? Je ne sais pas. Ai-je seulement jamais su ?
Ce livre m’a fait un bien fou, car il met en lumière cette ligne de crête qui peut nous faire tomber d’un coté comme de l’autre. C’est une célébration à voir la vie de manière bien plus nuancée que nous ne le faisons. Célébrer l’ivresse ne veut pas dire faire l’apologie de l’alcoolisme. L’ivresse n’est d’ailleurs pas liée qu’à l’alcool. Ne dit-on pas ivre de joie ? La vie n’est qu’une ivresse ? On vit dans une société tellement aseptisée où le principe de précaution est devenu la règle que l’on a du mal à lâcher prise et à s’abandonner.
Aujourd’hui, je vis avec un homme qui ne boit pas une goutte d’alcool. Alors même si mon foie a retrouvé ses 12 ans, le sentiment d’ivresse me manque. Vous savez ce moment où on sent une vague de chaleur envahir tout notre corps et voir les choses se brouiller joliment. Ce moment où nos jambes ne nous portent plus. Ce sentiment où tout et tout le monde nous apparait sous un jour nouveau. Les rares fois où j’ai été grise, c’est soit à l’occasion d’événements très heureux ou très douloureux. Entre les deux, c’est comme si ma bonne éducation m’interdisait de franchir le rubicon. Dans son livre Alicia écrit ceci qui m’a touché : “ L’ivresse offre un terrain propice à la réconciliation, qu’il s’agisse d’un ami, d’un frère ou d’un parent “.
En lisant ce passage, j’ai pleuré à chaudes larmes. En effet, il y a 8 ans, j’ai rompu une amitié. Je trouvais que cette relation manquait furieusement de réciprocité. Et pourtant depuis quelques mois, j’éprouve le besoin de reprendre contact avec cette personne pour lui dire qu’elle me manque et que j’aimerai prendre un verre avec elle.
Pourquoi devrions-nous choisir entre sobriété radicale et soupçon d’alcoolisme ? N’y a-t-il pas un entre deux autrement plus satisfaisant ? L’ivresse de la vie au sens large.
Doux jeudi en musique bien évidemment.
Je vous embrasse fort,
Colombe
PS : cette phrase m’a aussi infiniment touché : “ L’ivresse m’a libéré d’une adolescence interminable. Elle a précipité les années , figé de souvenirs qui n’appartiennent qu’à moi, rempli comme le tonneau des danaïdes ma cuve à récits ”.
Et déjà ivre oui j'ai été, plusieurs degrés ; ce moment où tu te sens doucement bien, le vin est bon, ton cheri tendre et tes amis drôles, ? Et plus jeune après plusieurs coupettes de champagne au cocktail de lancement du guide de Reims, ( je m'occupais de l'association ) j'avais posé la main sur le genou de mon voisin barman très mignon, le garçon rougissant n'osait rien dire et mes copines en face de moi gloussaient bêtement....
Ma chère Colombe, tu as un vrai talent de plume, tu ecris bien et tu ecris juste, au plus près de tes emotions et c'est ce qui rend tes textes si attachants. Tu m'as donné envie de lire ce livre ! A titre perso j'observe que quand je vais courir comme ce matin et que j"y mets de l'energie, je ressens après une douce euphorie et un bien etre assez proche de celui que me donne un bon vin partagé avec des êtres chers. Je te souhaite beaucoup d'ivresses joyeuses... biz de Marseille