Mes chères lectrices, Mes chers lecteurs,
Chez moi, septembre s’évanouit chaque jour un peu plus pour laisser place à l’automne. Je dois avouer que je ne suis pas mécontente de quitter la moiteur de l’été. J’aime passionnément les couleurs de l’automne. J’aime voir la nature changer et notamment voir les arbres se préparer à l’arrivée de l’hiver.
Depuis quelques jours, je pense beaucoup à la notion de manque. Le manque de ceux qui ne sont plus, le manque de ce que l’on a pas et que l’on aimerait tant avoir, le manque d’attention, le manque de considération, le manque d’amour qui est assurément le manque le plus fort et qui cabosse le plus.
En fin de semaine dernière, j’ai longuement discuté avec Yasmina qui est souvent au pied de mon immeuble et qui fait la manche. Quelle que soit l’heure de la journée, elle affiche un large sourire. Je m’arrête de temps en temps pour échanger quelques banalités avec elle ou pour lui dire que je n’ai plus de monnaie (je m’en veux toujours terriblement de dire une chose aussi conne), mais je n’avais jamais pris le temps de m’intéresser vraiment à elle. Son parcours est assez chaotique, mais elle le raconte avec ce même sourire qui m’apparait comme une politesse.
Cette fois-ci, j’ai pris le temps de m’arrêter et de lui demander comment elle allait. Je l’ai écouté, je lui ai posé des questions et je lui ai demandé si je pouvais lui être utile. Elle m’a demandé de lui parler de moi. Elle s’est extasiée sur mon prénom en me disant que c’était la première fois qu’elle l’entendait. Puis, elle m’a dit qu’elle voulait arrêter d’être dans la rue et se former aux métiers de l’assistanat. Elle se voit bien assistante administrative. Je lui ai donc proposé si elle le souhaitait de l’aider à identifier une formation, rédiger un CV, la mettre en relation avec des personnes adéquates. En gros, un truc qui puisse vraiment l’aider ! Elle a semblé touché et m’a dit qu’elle devait néanmoins régler des trucs avant.
Au moment de nous quitter, elle m’a dit : « Ça fait des mois Colombe que vous me souriez et que vous me regardez dans les yeux sans baisser le regard, je peux vous dire que ça vaut toutes les pièces du monde ».
C’est elle qui est dans la merde jusqu’au cou et pourtant, c’est elle qui me dit des jolies choses. Allez comprendre !
Qu’on se le dise, on crève moins de faim que de manque de considération ! Nous sommes toutes et tous tellement occupés dans nos vies que nous ne prenons plus le temps de prêter attention aux gens que l’on voit tous les jours sur notre chemin, mais que nous cherchons consciemment ou inconsciemment à gommer de notre champ visuel, car ça nous dérange ou ça nous met mal à l’aise et parfois les 2.
Etre mal à l’aise n’est pas une honte. Moi-même, j’ai dit à Yasmina que j’avais hésité plusieurs fois à m’arrêter et engager la conversation, mais que je ne l’avais pas fait. Pourquoi ? Peur que mes questions soient mal interprétées, peur de mal faire, de mal dire. Des excuses en fait. En avouant ma maladresse, j’ai justement désamorcé les choses et créé un lien avec elle.
Celles et ceux qui semblent les moins bien lotis n’ont pas besoin de notre pitié, ni de nos conseils souvent péremptoires. Ils ont besoin d’être vu, regardé, écouté, considéré et oui aussi, parfois d’être aidé.
Je ne crois pas que je pourrai un jour évoluer dans le secteur de l’action sociale, même si c’est pas l’envie qui m’en manque (tant de choses m’émeuvent et me font parfois perdre pied), mais je me dis qu’à mon échelle et sans avoir pour vocation de sauver toutes les personnes en galère, je peux filer un coup de pouce à quelqu’un qui fait partie de mon quotidien ou à tout le moins lui sourire. Ne négligeons plus le pouvoir du sourire !
Doux jeudi.
Je vous embrasse fort,
Colombe
Très touchée comme souvent par ce Colombillet. Oui, regarder, sourire, ecouter, c'est le premier des cadeaux et il me semble que tu fais ca très naturellement. Et ce n'est pas la première fois que tu racontes les retours inattendus et souvent très beaux avec des personnes à la rue. Merci pour le partage !!!