Mes chères lectrices, Mes chers lecteurs,
D'aussi loin que je souvienne, j'ai toujours eu une conscience aiguë du danger. Je n'ai jamais refusé le risque, mais j'ai toujours été extrêmement vigilante sur les situations à risque. Vous saisissez la différence.
Bien avant que l'on ne parle de la drogue des violeurs, étudiante, je lorgnais sur mon verre comme on lorgne sur une pâtisserie alors qu'on est au régime.
Je ne suivais personne (comprendre un homme) que je ne connaissais pas très bien. Ce à quoi, vous pourriez m'opposer que l'immense majorité des viols sont commis dans le cercle intra-familial ou par des gens que l'on connaît précisément très bien et vous auriez parfaitement raison.
Je ne décidais pas de me mettre au deltaplane si je ne connaissais pas parfaitement le moniteur et la structure.
Lorsque j'habitais en Roumanie, j'avais précisé à ma direction que moi vivante, je ne prendrai jamais, mais alors jamais la compagnie russe Aeroflot. Et oui, cette compagnie est classée parmi les pires compagnies aériennes au monde. En tout cas, c'était le cas en 2007.
Si je vous parle de risque inconsidéré, c'est pour en venir à un sujet bien plus important auquel j'ai toujours pensé non pas de manière anxieuse, mais plutôt apaisée : la mort et en l'occurrence ma propre mort.
Avoir récemment donné la vie m'a fait encore plus réaliser sa préciosité et son impermanence. Personne n'a envie de penser à sa propre mort (surtout quand on se sent encore très jeune) et d'anticiper ses dernières volontés. Et pourtant, cela me paraît absolument nécessaire. Prévoir les choses ne les a jamais fait accélérer.
J'aime ma fille Blanche à en crever, mais s'il devait m'arriver quelque chose, je ne peux me résoudre à ce que des décisions majeures concernant son avenir, son bien-être soient prises à ma place.
En tant que maman sola, j'ai à mes yeux une responsabilité et un devoir de prévoyance. Bien sûr que je rêve de vieillir en bonne santé et de vivre dans une maison de pêcheur au bord de l'océan entourée de ma fille et de ses innombrables petits-enfants jusqu'à l'âge de 100 ans. Mais, la vie nous réserve parfois des surprises, en l'occurrence des tuiles.
La question que je me pose depuis quelques semaines est la question du qui.
Qui pour la veiller et lui mettre un linge froid dans le cou quand elle sera malade;
Qui pour lui acheter son premier vélo et la regarder s'élancer sans les petites roues;
Qui pour l'inviter à goûter chaque aliment avant de décréter qu'elle ne l'aime pas;
Qui pour lui tenir les cheveux quand elle vomira tripes et boyaux (bonjour gastro ou première cuite);
Qui pour accepter son ou ses différences sans jugement aucun;
Qui pour lui dire que la cuisine est un merveilleux moyen de créer du lien entre les individus;
Qui pour lui dire que l'apprentissage des langues est une immense source de richesse;
Qui pour plonger sa main dans la sienne chaque fois qu’elle en aura besoin ;
Qui pour lui dire et au besoin lui répéter de mettre une écharpe pour protéger son petit cou du froid ;
Qui pour partir avec elle découvrir le monde;
Qui pour l'accompagner à l'aéroport ou à la gare quand elle partira pour la toute première fois;
Qui pour lui dire qu'elle n'est pas que jolie, mais qu'elle est intelligente, drôle, gentille, espiègle, spirituelle, volontaire ;
Qui pour lui dire qu'elle a le droit d'être qui elle veut vraiment être sans craindre d'être rejetée ;
Qui pour la pousser dans ses retranchements;
Qui pour lui dire que le ou la partenaire qu'elle a choisi n'est peut-être pas le/la bon(ne);
Qui pour lui que le ou la partenaire qu'elle a choisi semble parfait(e) pour elle;
Qui pour lui dire que ce n'est pas grave de se tromper, mais que c'est dommage de ne pas essayer;
Qui pour l'encourager et la soutenir sans relâche dans toutes ses projets et prises de décision et lui faire la courte-echelle au besoin;
Qui pour lui rappeler que sa maman l'a désiré et aimé plus qu'elle ne pourra jamais l'imaginer;
Qui pour lui raconter son histoire, toute son histoire et les circonstances de sa venue au monde;
Qui pour lui montrer des photos et peut-être même des films de moments passés avec sa maman et des gens qu'elle a connu et aimé;
Qui pour lui dire que nos émotions ne sont pas nos ennemies, mais une formidable boussole interne;
Qui pour lui apprendre à faire les oeufs brouillés et maîtriser à la perfection la cuisson du poisson;
Qui pour l'aider à choisir sa première fragrance;
Qui pour lui dire qu'elle n'a pas besoin de perdre quelques kilos pour correspondre aux diktats de la société;
Qui pour lui dire de prendre soin d'elle et de sa santé;
Qui pour lui dire que la vie est plus douce quand on aime passionnément ce qu'on fait;
Qui pour lui dire que l'argent ne fait pas le bonheur, mais qu'en manquer complique beaucoup les choses;
Qui pour lui dire que l'Amour est la chose la plus précieuse qui existe;
Qui pour lui dire qu'elle n'a pas à faire semblant d'être qui elle n'est pas pour espérer être acceptée;
Qui pour lui faire aimer passionnément les livres et lui dire qu'ils sont des compagnons de route extraordinaires qui te guident et te soutiennent tout au long de la vie;
Qui pour lui dire qu'une vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil (merci Nietzsche);
Qui pour lui dire que les amis sont la famille que l’on choisit ;
Qui pour aborder le sujet de la mort le plus naturellement possible;
Qui pour lui parler des vivants, mais aussi des défunts avec le plus de simplicité, de joie et de légèreté possible;
Qui pour lui dire que sa mère aurait été incroyablement fière de la fille/ femme qu'elle est devenue;
Qui pour l'aimer comme si elle était sa propre fille.
Ces questions, je me les posent, car je ne veux pas qu'en plus du chagrin causé par ma mort, le désarroi concernant l'avenir de Blanche s'empare de mon entourage.
J'ai récemment échangé avec une astrologue qui me disait que j'avais une capacité phénoménale à vivre le moment présent et à vivre intensément chaque moment. C'est parfaitement exacte. Mais être capable de vivre le moment présent et donc de profiter pleinement de l'ici et maintenant n'empêche pas de permettre l'avenir.
Ce midi, j'ai prévu de dejeuner avec mon père et de lui parler de mes questionnements afin qu'il sache que je me soucie de Blanche non pas seulement aujourd'hui, mais aussi pour demain.
J'espère profiter de ma fille le plus longtemps possible, mais si tel n'était pas le cas, je veux m'assurer de mon vivant qu'elle continuera à être aimée, soutenue, appréciée, valorisée.
Penser à la mort, en l'occurrence sa propre mort, c'est aussi penser à tout ce qui touche à la vie. Sans nous, c'est tout !
Je nous souhaite chacune et chacun d'apprendre à apprivoiser la mort, car la peur ne va pas s'envoler parce qu'on en parle pas. Au contraire, elle aura selon-moi des effets dévastateurs.
Douce journée sous le soleil et de préférence avec Ben Mazué
Je vous embrasse fort,
Colombe
Bouleversant. Une maman déjà merveilleuse pour Blanche.
Un très joli message d'Amour à Blanche !
Et si jamais cela arrive tôt ou beaucoup plus tard (ce que je souhaite de tout cœur pour tout un chacun) , il me semble qu'il faut que tu compiles tes promesses du cœur. Cela lui permettra de connaître sa maman dans ses autres vies, ses pensées,...