Mes chères lectrices, Mes chers lecteurs,
Je ne sais pas quel temps vous avez eu aujourd'hui. Chez moi, le soleil s'est fait une minuscule place, mais une place tout de même. Il y a plein d'histoires que j'aurais pu vous conter ce soir, mais une me tient particulièrement à cœur.
Les gens de la rue m'inspire et m'aide à prendre du recul quand j'ai le sentiment de me noyer dans mes doutes ou mes difficultés, qu'elles soit réelles ou supposées.
Il y a quelques semaines, j'ai fait la connaissance d'Ephigenie, une femme qui a connu les violences conjugales et la descente aux enfers qui va avec. En ce moment, elle révise comme une malade pour décrocher son permis de conduire et obtenir un job. Son objectif final est clair : retrouver la garde de son enfant et retrouver une vie familiale simple. Il faut l'entendre parler de son fils et de l'amour inconditionnel qu'elle lui porte. Qu'on se le dise, on ne cesse pas d'être une mère quand on est à la rue. On l'est triplement. À bien y réfléchir, c'est probablement la pire situation qu'une femme puisse connaître.
Ephigenie aime lire des polars et des biographies. Comme moi, elle rafole des pains au lait et du chocolat. Elle porte un bonnet H24 et une doudoune bordeaux, lie-de-vin pour être plus précise 🤣 Elle dit bonjour à tout le monde et affiche un sourire à faire pâlir Julia Roberts. Si si, je vous assure !
Dans mon quartier, tout le monde la connait ou presque et s'arrête pour papoter avec elle de tout et de rien, pour lui donner un livre ou un truc à manger pour elle et son fils.
J'ai mis du temps à m'arrêter (il faut dire que je m'arrête souvent et que parfois j'avoue, je fais des choix) et à briser la glace. La première chose qu'elle m'a dite quand on s'est présentées l'une à l'autre, c'est : " Merci pour votre sourire qui me donne chaque fois du baume au coeur ". Je connaissais le pouvoir du sourire, mais à ce point-là, peut-être pas finalement.
La rue gomme les prénoms et noms de famille. Or, appeler quelqu'un par son prénom est assurément la première des reconnaissances. C'est dire à la personne qui est en face de nous : je te vois, je t'écoute, je t'entends, je te reconnais dans ton identité ".
Ce qui me fait le plus peur demain, c'est justement de ne plus prononcer le prénom des gens qui me sont chers et de ne plus entendre le mien dans leur bouche. Le prénom, c'est le premier marqueur identitaire. C'est l'un des premiers éléments pour identifier et se faire identifier au sein de la société. Ne pas entendre son prénom revient donc à ne pas exister.
Prononcer le prénom des personnes qui se perçoivent comme invisibles, c'est leur rendre leur identité et leur humanité. Et si, nous y pensions la prochaine fois que nous verrons quelqu'un à la rue.
Aux prénoms qui ont besoin d'être prononcées un peu plus que les autres :
Belle soirée.
A jeudi prochain si le cœur vous en dit 💙
Je vous embrasse fort,
Colombe